Les marges dans le théâtre de Sophie Merceron

« J'ai entendu dire que quand on est perdu, le mieux à faire c'est de rester où on est et d'attendre qu'on vienne vous chercher, mais personne ne pensera à venir me chercher ici. »

Alice/ Lewis Caroll

Le théâtre de Sophie Merceron met en lumière des personnages souvent en marge de la société, en lisière des villes, au bord du gouffre.
Des personnages qui s'inventent des mondes imaginaires, plus joyeux, plus mé- lancoliques ou plus contemplatifs que celui dans lequel ils vivent.

Ils créent une possibilité singulière de résister.
C’est un théâtre qui donne la parole à ceux qu'on écoute rarement. De très jeunes gens souvent, de ceux qui ne savent pas parler « correctement ». Des êtres sensibles, qui n'ont pas les bons codes pour faire face à ce monde comme il va.

En plongeant dans cette écriture poétique et farouche, souvent destinée à la jeunesse, nous nous attarderons sur la marge comme outil dramaturgique : définir, délimiter et explorer l’endroit ténu d’où cette parole peut surgir.

Chercher la pulsation de cette langue au bord d’agir, questionner l’adresse aux absents, puisqu'il est souvent question de fantômes, d'êtres évaporés, d'amis imaginaires.
Les lieux sont des personnages à part entière, dans ce théâtre-là. Ils agissent sur les corps et sur les âmes. Les didascalies sont très présentes, comme des images cinématographiques. Nous nous servirons donc aussi de cette matière-là pour inventer des formes scéniques, ou hors scène, qui éclairent la marge, où se révèle toute la poésie et la fragilité de ces existences menées les pieds dans la boue et le ventre creux.

Pour Antoine Vitez “L’acteur n’entre pas en scène, il apparaît.”
Au cours de ce chantier nous irons à la recherche de ces modes d’apparitions à travers des états de corps, des états de voix, des “lieux” où ces apparitions se révèlent, entre la scène et le hors scène, le jeu et le hors jeu.
Chercher la marge dans tous les axes dramaturgiques afin de développer une tra- duction au plus juste de cet univers.

Sandrine Nicolas

A propos de l’écriture de Sophie Merceron -
Article écrit par Laurence Cazaux à propos de sa pièce “Les Pieuvres” :
« Le sauvage dans l'écriture de Sophie Merceron n'est pas une posture mais une nécessité vitale qui s'exprime dans la langue même. Elle met en jeu des fêlures de manière organique. Son écriture fait coexister l’humour le plus mordant avec une tendresse absolue pour ses personnages.
C’est un théâtre initiatique, qui aide à surmonter la colère, trouver son propre chemin et le courage d’affronter ses monstres. Elle crée un univers au souffle puissant, sans aucun pathos ou apitoiement, qui invite à se relever de ses blessures et trouver l’énergie d’aller voir ailleurs. »

Nous aborderons particulièrement les pièces suivantes :

Aux éditions l'Ecole des loisirs :

Manger un phoque
Les Pieuvres
Mon corps vif

Aux Solitaires Intempestifs : Nebraska

Encore inédites :

Kingsland

Skin-cut

Photo chantier : ©  Benh Zeitlin