L’amour sous toutes ses formes

Pour ce chantier nomade, nous travaillerons un espace de création, en décortiquant, en improvisant autour de plusieurs œuvres dont la thématique dominante sera « l’amour ». Je pense plus précisément aux mythes amoureux tel que Tristan et Yseult, Éros et Psychée, Roméo et Juliette…

Le mot « amour » dans la langue française est le seul mot qui permet de désigner tout un ensemble de sentiments, de passions, de conduites pour lequel le grec ancien proposait plusieurs mots. Mais l’amour n’est pas seulement un sentiment, c’est un art régi par un ensemble de traditions issues de la littérature, de la musique, de la danse, du mouvement et des arts plastiques. En suivant cette richesse des sources, nous travaillerons en confrontant le plus de disciplines artistiques possible.

Tenter de dessiner un langage amoureux avec le jeu et la musique, l’acrobatie et la danse, définir à quel moment les mots ne suffisent plus, à quel instant la musique ou le mouvement sont nécessaires pour exprimer ce grand sentiment, à quel moment les mots écrits ? ne sont pas les bons mais doivent être dit. Comment doit-on chercher le geste juste pour exprimer l’amour au plateau ? Et quand je dis « amour » c’est aussi de ce qui gravite autour de ce mot dont je parle : la rencontre, la folie, la jouissance, les retrouvailles, la séparation, l’immense chagrin…Comment peut-on travailler sur une œuvre amoureuse : un poème, un opéra, une chorégraphie ? La respecter, en s’offrant la possibilité d’improviser musicalement ou corporellement avant que la parole apparaisse ? Comment, en nous inspirant aussi des histoires de chacun.e, raconter avec pudeur ce qui nous semble être « l’amour » ?

En partant de ce que vous êtes, nous inventerons en improvisant des moments de jeu qui vous appartiendront. Quand je dis « jeu », cela pourra être également une danse, une rencontre entre deux disciplines, une chanson ou un poème écrit à plusieurs mains. Vous chercherez à atteindre une certaine autonomie de création, une confiance en vos professions et en ce que vous êtes.

Dans un second temps nous nous interrogerons en profondeur sur le geste juste, celui qui nous émeut, celui qui nous échappe et que nous devons pourtant maîtriser pour que chaque soir la spectatrice, le spectateur s’identifie au sentiment raconté. Nous chercherons à mélanger nos arts comme des artisans pour tenter de raconter ce grand sentiment. Fernando Pessoa disait que l’acteur était malheureusement le valet de l’art. Je pense pour ma part que les temps changent, que notre métier est de plus en plus difficile à pratiquer et qu’il est possible aujourd’hui de créer autrement, de n’être pas forcément qu’un valet. Il est, je crois, possible de multiplier les cordes de notre arc en faisant confiance à notre créativité. C’est avant tout cette corde de créateur, de penseur, d’auteur au plateau que je tire comme un fil rouge dans mes spectacles et que je souhaite partager ici.

Partir de nous pour aller vers l’autre, partir de notre histoire pour raconter avec âme et poésie l’histoire des autres. Je crois que l’idée principale de ce chantier pourrait se résumer à ce mot si beau qu’est « la rencontre ». Faire se rencontrer une actrice et un musicien, un acrobate et une danseuse, les faire se rencontrer et les accompagner pour raconter au plateau l’immense beauté d’une rencontre amoureuse.

Igor Mendjisky